Année faste pour le Puy du Fou! Leparc de loisirs vendéen, fondé par Philippe de Villiers en 1989, s'apprête à battreson record de fréquentation avec plus de 2,8millions de tickets venduscette année. Le groupe français, qui s'est diversifié depuis trois ans à l'international, réaliseparallèlementd'excellents résultats dans ses deux filiales étrangères: en Espagne et en Chine.
La newsletter week-end
Tous les vendredis à 16h
Recevez et suivez le guide du Point pour inspirer vos week-ends.
Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :
Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.
Le centre de loisirs ouvert à Tolède en 2021devrait ainsi afficher près de 1,4millionde visiteurs en 2024. Un chiffre en haussede plus de 25% par rapport à l'an dernier. Le lieu que le Puy du Fou vient d'ouvrir à Shanghai est, lui aussi, en passe de boucler untrès bon exercice: selonles projections, il devrait afficher plus de 700000 spectateurs d'ici à la fin de l'année. Son objectif est désormais d'atteindre 1,2millionde visiteurs en année pleine, dès 2025.
Fleuron français en Chine
Le Point a voulu voir à quoi ressemblait l'antenne chinoise de ce «fleuron français des industriesculturelles et créatives (ICC)», comme le qualifieBertrand Lortholary, ambassadeur de France en Chine. Nous nous sommes donc rendus sur les lieux. Première surprise: il ne s'agit pas d'un parc de plein air mais d'une forme de théâtre immersif installé dans un immeuble, en plein cœur dela ville la plus peuplée de Chine.
C'est le long de Cao Bao Road, l'une des artères les plus passantesdu district de Xuhui, au centre de la métropole de27millions d'habitants, que le groupe français, associé à un fonds d'investissement chinois (le groupe Chengxin), a choisi d'implanter sa première attraction en Asie.L'immeuble investi est localement connu sous le nomde Shanghai Everbright Convention and Exhibition Center (Secec). Ses 46000m2 étaient occupés jusqu'en 2017par un palais des congrès.
L'espace a été entièrement remanié depuis. La joint-venture franco-chinoise a investi plus de 398millions deyuans (ou renminbis chinois), soit l'équivalent de 52millions d'euros. «Le chantier a été d'ampleur. Nous n'avons conservé des équipements initiauxque les deux escalators qui desservent le premier étage où est située notre scène de 15000m2», indique Dimitri Delopoulos, directeur du développement du Puy du Fou en Asie.
À LIRE AUSSI La «gauche caviar» au Puy du FouInitialement prévu pour ouvrir en 2022, l'équipementa fini par êtreinauguréle 28mai dernier. «La faute auCovid», justifie-t-on au sein du groupe.La conséquence aussi d'un embrouillamini juridique: l'un des partenaires chinois du projet, le patron du groupe CYTS, filiale du groupe Everbright, a été mis en cause dans une affaire de corruption.
La façade sans charme de l'immeublea été «habillée» pour rappeler le style architectural d'un music-hall des années 1930. Le hall d'accueil a étéredécoré dans le même esprit. Le résultat fait davantage penser à un décor de film de Wes Anderson qu'à un authentique night-club de l'entre-deux-guerres. Le public découvre ainsi, derrière un guichet en bois, des employés chinois habillés comme des grooms d'hôtel.
Le plafond a été équipé d'un vitrail en rosace pour dissimuler l'éclairage moderne. «Le motif nous en a été inspiré par le film Titanic», glisse Gilles Ledos, directeur artistique du lieu. Les murssont étrangement ornés d'étagères sur lesquelles s'entassent de fausses valises. «Nous voulions signifier aux visiteurs qu'ils s'apprêtent à partir en voyage», poursuit le Français, qui étaitprécédemment responsable de l'organisation d'événements divers à Dubai, à commencer parla Fashion Week locale.
Ambiance Titanic
Les choses prennent une autre tournure à l'étageoù, dans une salle d'attente en forme de piano-bar, les spectateurs sont invités à patienter. Le public ne pénètre dans le «théâtre» que par groupe de 75. À raison d'une séance toutes les cinq minutes et d'une vingtaine de représentations par soir, pour le moment, le Puy du Fou Shanghaia une capacité d'accueil quotidienne de 1500 spectateurs. «Nous ouvrirons probablement d'autres créneaux horaires prochainement car la demande est vraiment forte», confieDimitri Delopoulos.
Ce jour-là, le public est au rendez-vous. Le groupe de Chinois dans lequel on se fond déboule dans un vaste couloir faisant office de vestiaire. Chaque spectateur est invité à revêtir une cape en soie aux reflets moirés afin de se transformer en figurant de la pièce qui s'apprête à débuter. Ni rideau rougeni trois coups.Les portes s'ouvrent et l'on débouche alors dans un bar enfumé.
C'est l'occasion de faire connaissanceavec le personnage principal de la pièce: Jieming. Ce jeune archéologue raconte êtreà la recherche d'une ville antique où, dansun palais merveilleux, la légende affirme qu'est conservé un trésor. Look d'Indiana Jones, coiffure soignée de chanteur pop, le comédien qui incarne Jieming impulse dès le départ un rythme d'enfer à l'aventure. Elle va durer une heure et demie. Et conduire les spectateurs, captivés, dans une cinquantaine de lieux différents.
Au fil de la déambulation, le public sera largement impliqué, étant régulièrement invité à aider le héros pour élucider des énigmes ou décrypter des indices avant de changer de pièce. La même logique qu'un escape-game.Conçu comme une chasse au trésor, le scénario se complexifie lorsqu'on découvre qu'il se déroule, en réalité, sur deux strates temporelles: de nos jours pour Jieming et dans les années1930pour Nicole, une séduisante archéologue qui cherchait elle aussi le trésor millénaire.
À LIRE AUSSI Puy du Fou: association de bienfaiteursD'un dojo où deux hommes s'affrontentviolemment aux coulisses d'un cabaret où une jeune femme se maquille, des sous-sols d'un musée où une statue d'empereur s'anime et ouvre un passage permettant de remonter le temps à un salon de thé, les spectateurs se retrouvent progressivement immergésdans un univers évocateurde l'entre-deux-guerres à Shanghai.
Arpentant les ruelles animées de la vieille ville puis la prison locale, faisant halte dans l'échoppe d'un potier ou le cabinet d'unmédecintraditionnel, le public va alors avoir l'étrange sentiment d'avoir ététransporté dans le temps. Si ce n'était la mauvaise habitude de certains de sortir leur smartphone à tout bout de champ, on reconnaîtrait sans peine que l'expérience est amusante.
Entièrement dialoguée en mandarin, l'histoire connaîtra évidemment un happy end. Auparavant, le public aura embarqué tour à tour dans un camion et un train (dont le roulis est reconstitué par un ingénieux dispositif de vérins mis au point par la société canadienne TrioTech) avant de trouverenfin la piste de la «City of Light» qui donne son titre à la fresque «Saga»*.
Les spectateurs auront même eu le sentiment de naviguer surun paquebot pris dans une tempête. Le clou du spectacle! Reste un bémol: comme pour la version vendéenne du Puy du Fou, le scénarioprête le flanc à plusieurs critiques. Les allusions à l'histoire du pays sont réduites à l'anecdotique.
Un passé revisité
Les rares références au passé sont faites sous un prisme nationaliste. C'est ainsi que les Japonais, à qui les Chinois ne pardonnent pas l'attaque de la Mandchourie en 1931, sont désignés de manière très péjorative. «Dans une première version, les comédiens les insultaient allègrement», relève un spectateur de la première heure.
Inversement, l'histoire des concessions étrangères de Shanghaiest assez édulcorée. Tout juste devine-t-on que, dans ces enclaves au statut quasi-colonal, détenues par plusieurs puissances occidentales (outre le Royaume-Uni:la France et les États-Unis),s'effectuaient nombre de trafics illégaux...
À LIRE AUSSI Face à Disney et Astérix, pourquoile Puy du Fou cartonneLe script a fait l'objet de nombreux allers-retoursavec une commission historique au sein du ministère de la Culture local. «Nous voulions nous assurer qu'aucune erreur ne s'était glissée dans le scénario», justifie Dimitri Delopoulos. «Les autoritésvoulaient surtout s'assurer qu'aucun sujet qui fâche ne serait abordé», confie un bon connaisseur du dossier. Notonsque le groupe Disney s'est soumis aux mêmes contrôles au moment d'ouvrir son parc de loisirs à Shanghai en 2016.
Est-ce à cause de cette relecture par la censurequ'aucune allusion n'est faite au trafic d'opium qui gangrenait la ville dans les années 1930ni aux nombreux réseaux de prostitutiongérés par les groupes mafieux locaux? «C'est surtout que nous ciblons un public familial», évacue Gilles Ledos quand on l'interroge sur ces points.
Certains pourront voir dans le personnage du «méchant» de l'histoire, Duanmu, entouré de menaçants hommes de main, une allusion cryptée à «la bande verte» qui inspira l'histoire du Lotus bleu à Hergé. Mais, en réalité, cettesociété secrète fondée parFong Toh-tak, un ancien moine shaolin à la fin du XIXesiècle, n'estjamais nommément citée dans le Puy du Fou Shanghai.
Une quarantaine d'acteurs participent à chaque représentation. Ce qui, compte tenu de la fréquence des séances, nécessite de mobiliser120 comédiens au total.Organisé comme un grand labyrinthe, le théâtre propose26variationsdifférentes de l'histoire selon l'itinéraire suivi. «De quoi inciter les spectateurs à revenir pour découvrir des aspects du scénario qu'ils n'ont pas pu voir», mise Gilles Ledos.De fait, plusieursspectateurs semblaient déjà être venus, le soir où Le Points'est glissé dans ce théâtre.
À LIRE AUSSI Le Puy du Fou, sabre au clairFort de ce succès, lePuy du Fou n'entend pas en rester là. Il envisage déjà l'ouverture d'un deuxième site en Chine, plus précisémentà Hangzhou, une commune de 12millions d'habitants à deux heures de route de Shanghai. «Un territoire dont l'histoire est remarquable puisqu'elle remonte à plus de 5000 ans [cette ville fut notamment la capitale du royaume de la dynastie Song entre960et 1279, NDLR]», expliquait Nicolas de Villiers lors d'une visite à la mairie le 29février.
Geoffroy Ladet et Anne Zhao, respectivement président et vice-présidente de l'antenne chinoise du groupe français, lorgnent également un troisième site, pour l'ouverture d'un autre parc: dans la province du Yunnan, dansle sud du pays. Mais le Puy du Fou prévoit aussi des créations en dehors de la Chine.
À DécouvrirLe Kangourou du jourRépondreIl ouvrira ainsi au milieu de l'année prochaine un muséeau Cambodge, à proximité des mythiques temples d'Angkor. Cet établissement devrait offrir aux visiteurs la possibilité de découvrir des sites archéologiques de Siem Réap excentrés. Et ce, grâce à un dispositif numérique innovant produit par la start-up françaiseIconem.
* Plus d'informations surl'aventure Saga City of Light et le site du Puy du Fou Shanghaiici.